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Si, mais à certaines conditions

Un rendement moindre en bio

Plusieurs études se sont penchées sur ce sujet. Une recherche (61)  publiée dans le magazine «  Nature communications » par des chercheurs de l’Université de Cranfield affirme que la transition à une agriculture 100% biologique en Angleterre et au Pays de Galles entraînerait une perte de rendement de 40%. Cela signifierait qu’il faudrait 1,5 fois plus de terres qu’actuellement pour compenser cette baisse de rendement. Pour nourrir l’ensemble de la population, les Britanniques devraient alors convertir des prairies en terres agricoles, et cela augmenterait les émissions de carbone de 21%, car les prairies agissent comme des puits de carbone.

Deux points de cette étude sont toutefois à préciser :

  • Elle compare les deux systèmes dans le cas où le système agroalimentaire actuel ne subirait aucun changement. En effet, le changement alimentaire humain n’y est pas considéré.
  • Le changement de pratiques agricoles lié à la conversion n’est pas pris en compte. Parmi les 12 cultures étudiées, représentant 98% des cultures en Angleterre, certaines moins adaptées à l’agriculture biologique pourraient être remplacées par des cultures plus robustes avec un écart de rendement moindre.

Notons que la différence de rendement entre l’agriculture biologique et conventionnelle n’est pas équivalente entre les différentes cultures. En ce qui concerne les céréales en Wallonie, les rendements étaient entre 24% et 44% moindre en agriculture biologique qu’en conventionnelle (en 2017) (64). En ce qui concerne les légumes, les rendements sont fortement variables selon les conditions pédoclimatiques. Certaines années, les rendements bio en haricots sont même égaux, voire supérieurs au conventionnel (65).

Par ailleurs, une étude (71) a révélé une augmentation de 116% de la productivité dans les exploitations de 84 pays africains, soit en cours de conversion au mode biologique ou déjà converties, après une période de 3 à 10 ans de pratique agricole. Bien que le passage à une agriculture entièrement biologique puisse entraîner une diminution de la rentabilité en Europe et en Amérique du Nord, il est possible de stabiliser cette rentabilité à l’échelle mondiale, contribuant ainsi à nourrir « la planète »

Malgré ce rendement plus faible …

Une étude datant de 2017 (66) ainsi que le scénario « Afterres 2050 » (67) concluent qu’il est possible de nourrir plus de 9 milliards d’individus d’ici 2050 grâce à l’agriculture biologique, sans nécessité d’accroître la superficie agricole et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, la diminution du rendement de l’agriculture biologique (-40%) devra être compensée par la réduction du gaspillage alimentaire (qui représente actuellement 30% de la production alimentaire mondiale) et par une diminution de l’utilisation de terres agricoles à des fins non-nourricières.

Au cours des dernières décennies, la disparition des terres agricoles dédiées à l’alimentation en Wallonie est principalement attribuée à l’urbanisation (61 000 hectares depuis 1985), à l’expansion des zones forestières (68 000 hectares depuis 1984) et à la production d’agroénergie comme les agrocarburants et la biométhanisation  (68). En ce qui concerne ce dernier point, différentes cultures sont dédiées à la production d’énergie, dont les cultures céréalières, de betterave et de colza. Très peu de suivi et d’études récentes ont été réalisées sur la part des cultures dédiées à la biométhanisation en Wallonie. Le chiffre le plus récent (2021) concerne la part des cultures de betterave sucrière qui part en énergie et qui est de 7% (5.700 ha) (69).  D’autres chiffres moins récents (2017) concernent le pourcentage des céréales utilisées pour le bioéthanol, s’élevant à 18% en Wallonie, représentant 5,4% de la SAU totale (70). Les données relatives aux autres cultures dédiées ne sont, à ce jour, pas disponibles.

En parallèle, la proportion des cultures céréalières destinées à l’alimentation animale représente 46% en Wallonie. (13,8% de la SAU totale) (70).  Une réduction de la consommation de produits d’origine animale libérerait des terres pour d’autres cultures, contribuant ainsi à compenser le rendement moins élevé de l’agriculture biologique.

Il est crucial de souligner que l’élevage joue un rôle fondamental dans la fourniture d’engrais organiques essentiels pour le bon développement des cultures bio. Le modèle de polyculture élevage offre une approche permettant de combiner l’élevage et la culture, en diversifiant les paysages, préservant la biodiversité et favorisant un cycle « fermé » du phosphore, de l’azote et du carbone. La nuance est donc nécessaire. Il est important de réduire la consommation de viande, mais surtout de privilégier une consommation responsable en soutenant les éleveurs bio et en évitant les systèmes intensifs.

Il apparaît donc que nourrir l’humanité ne nécessite pas obligatoirement une course aux rendements et aux intrants chimiques.A l’heure actuelle, la malnutrition n’est pas due à un manque de production, mais à l’accessibilité de cette production à tout un chacun. En Occident, il existe un excédent de nourriture, souvent de qualité nutritionnelle médiocre, qui est exporté vers les pays du Sud, entraînant une déstabilisation de la production agricole locale.

Le bio a donc la capacité de nourrir le monde de manière durable, à condition d’étudier la question de manière globale  !

Source texte et illustrations: Biowallonie